Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de la CNIL et Emmanuel Givry, membre de la commission, ont présenté le rapport du deuxième contrôle par la CNIL des fichiers d’antécédents mené entre fin 2012 et début 2013 (http://www.cnil.fr/fileadmin/documents/La_CNIL/actualite/Rapport_controle_des_fichiers_antecedents_judiciaires_juin_2013.pdf).
En plus du contrôle sur le STIC utilisé par la police nationale (système de traitement des infractions constatées), qui avait déjà fait l’objet d’un contrôle approfondi (2007-2008) et avait donné lieu à un rapport alarmant, ce nouveau contrôle a également porté sur les fichiers JUDEX, utilisé par la gendarmerie nationale (système judiciaire de documentation et d’exploitation), et TAJ (fichier commun à la police et à la gendarmerie). Le contenu du fichier TAJ (traitement d’antécédents judiciaires), anciennement ARIANE, déjà alimenté par les données du STIC et du JUDEX, est appelé à se substituer définitivement à ces deux fichiers début 2014.
4 ans après les premiers contrôles, le rapport de la CNIL fait état d’une quasi-absence de changements de facto,alors même que quelques avancéesde jure, avec la loiLOPPSI 2 (L. n° 2011-267, 14 mars 2011 : JO 15 mars 2011, p. 4582) et techniques, avec le fichier d’interconnexion entre les tribunaux d’instance CASSIOPEE, ont été introduites.
Comme en 2009, les informations déterminantes de la présence du mis en cause dans le fichier STIC ont dû être rectifiées, sur requête d’un magistrat de la CNIL, dans 40 % des fiches consultées, via le service d’accès direct (DAI) de la commission. La CNIL constate également l’omission, voire parfois « la réticence délibérée » de certains procureurs de la République, de mettre à jour les informations figurant dans les fiches d’antécédents. Ainsi, les informations sur les mesures favorables à l’ancien mis en cause (classement sans suite, acquittement, relaxe, non-lieu) sont transmises dans 5 à 10 % des cas seulement au ministère de l’Intérieur, alors même que cette formalité peut aboutir à l’effacement pur et simple de la fiche et que la loiLOPPSI 2a fait passer le nombre de motifs de transmission de 3 à 27.
La seule constatation positive réside dans l’amélioration de la coopération entre la CNIL et les institutions contrôlées (ministère de l’Intérieur, Chancellerie, CNAPS : Conseil national des activités privées de sécurité).
Les conséquences des erreurs persistantes dans les fichiers d’antécédents sont d’autant plus sérieuses qu’environ 9 millions de personnes sont actuellement fichées et que la durée de conservation des données peut atteindre 40 ans pour certaines infractions.
Par ailleurs, les données d’antécédents de la police et de la gendarmerie sont également utilisées dans le cadre des enquêtes administratives,qu’il s’agisse des demande de titres de séjour ou de naturalisation, du recrutement, de l’agrément ou de l’habilitation des fonctionnaires et du personnel de sécurité dans le secteur public comme dans les sociétés privées. Les fiches d’antécédents de plus d’un million de personnes à la recherche d’emploi sont ainsi consultées par les employeurs. Or, les informations erronées contenues dans celles-ci donnent systématiquement lieu aux refus de la part des autorités sollicitées.
Pour tenter de remédier à cette situation, la CNIL a formulé une nouvelle série de recommandations. Ainsi, il conviendrait :
– du côté du pouvoir judiciaire, de « sensibiliser » les procureurs de la République à la nécessité de transmettre au ministère de l’Intérieur les informations concernant les mesures favorables, susceptibles de conduire à l’effacement de la fiche ;
– du côté de l’exécutif, d’imposer aux autorités administratives qui ont recours à ces données dans le cadre de leurs enquêtes de s’assurer des suites judiciaires données à l’antécédent ;
– de mettre à jour les données et de corriger les erreurs ne serait-ce que dans les fiches les plus sensibles (relatives aux mineurs, aux infractions récentes ou de nature criminelles) ;
– de renforcer la confidentialité des données, en définissant des règles strictes de consultation et de transmission de celles-ci ;
– de diminuer drastiquement la durée de consultation et de conservation des données, selon la gravité des faits inscrits dans les fiches.
En conclusion, la CNIL a admis qu’au vu du nombre des erreurs et malgré l’urgent travail de rectification, des dysfonctionnements importants persisteront. Ce pronostic « fataliste » tient à la configuration même du fichier STIC. Le futur paramétrage technique du fichier TAJ et son interconnexion avec la base judiciaire CASSIOPEE, doivent en principe exclure tout risque d’erreur pour l’avenir.
Sources : CNIL, conf. presse, 13 juin 2013