Le cabinet est saisit par l’enfant unique d’un couple ayant demandé auprès du juge aux affaires familiales l’homologation d’un acte de changement de régime matrimonial vers la communauté universelle, afin de faire opposition à cette demande, le client craignant d’être indirectement déshérité dans le futur.
Malgré avis favorable du ministère public le juge aux affaires familiales suit notre argumentaire et déboute les parents de leur changement de régime matrimonial, lequel après avoir relevé un fort conflit, une clause d’attribution intégrale de la communauté universelle au survivant, un risque fiscal ainsi que de dilapidation du patrimoine familial, considère que si à eux seuls ces éléments ne peuvent suffire, les parents ne justifient pas que le changement de régime est conforme à l’intérêt de la famille par le simple fait que celui-ci relève de leur vie privée, eut égard au conflit persistant.
Un appel est interjeté par les parents lesquels invoquent divers moyens. La cour les déboute sur les moyens de procédure considérant qu’il s’agit soit de moyens nouveaux soit de moyens non recevables, notamment tirés de la prétendue non-conformité des attestations produites. Sur le fond ils invoquent que l’intérêt de la famille doit être apprécié dans son ensemble et que le simple fait qu’un membre de la famille risquerait de se retrouver lésé n’interdirait pas nécessairement la modification du régime matrimonial, dans le souci d’assurer la situation pécuniaire du conjoint survivant, ce qui répondrait à un intérêt familial. En quelque sorte ils tentent de faire prévaloir l’intérêt des époux et notamment du conjoint survivant sur le caractère défavorable de l’attribution intégrale aux enfants, réfutent tout risque de dilapidation et minimisent le conflit familial.
Nous sollicitons la confirmation du jugement en faisant valoir une volonté de déshériter par la possibilité laissée au conjoint survivant de dilapider le patrimoine, mais le plaçant également devant le risque de devoir assumer financièrement le conjoint survivant détriment de sa propre famille.
Nous invoquons également l’absence de preuve d’un intérêt de la famille, la confusion de l’intérêt de celui-ci avec celui du conjoint survivant, et l’absence de production de pièces financières.
La cour d’Amiens par un arrêt du 6 juillet 2023 fait droit aux prétentions de l’enfant en considérant après avoir relevé l’existence d’un conflit majeur que les parents ne produisent aucun élément détaillé de leur patrimoine susceptible de démontrer que l’adoption du régime de la communauté universelle serait plus adaptée à leur situation. La cour relève également la lecture de certaines attestations une certaine volonté de déshériter l’enfant, et que la crainte de ce dernier est légitime. La cour relève enfin un risque réel de multiplication par trois des droits de succession tout en l’exposant à un risque de dilapidation du patrimoine par le conjoint survivant.
Les parents sont déboutés et le jugement le juge aux affaires familiales confirmé.
Cet arrêt est un bel exemple d’appréciation par les tribunaux de la notion d’ « intérêt de la famille », seul critère réellement dégagé par la jurisprudence afin d’apprécier la légitimité d’une demande d’homologation de changement de régime matrimonial contesté par un héritier. Ce critère est assez vague et imprécis et force le juge à une appréciation globale des intérêts en présence lesquels sont forcément contradictoires.
En définitive même en présence d’intérêts contradictoires l’intérêt de la famille ne sera pas reconnu s’il s’avère que le déséquilibre entre les parties en présence est trop marqué.