La Cour de cassation a rendu un arrêt important le 13 novembre 2024 concernant l’utilisation des images de vidéoprotection dans le cadre d’une enquête pénale. Cette décision apporte des précisions cruciales sur les conditions d’accès et d’exploitation des images issues du plan de vidéoprotection de Paris (PVPP) par les forces de l’ordre.

L’affaire concerne M. [H] [E], mis en examen pour extorsion avec arme. Dans le cadre de l’enquête, des images du PVPP ont été exploitées. M. [E] a contesté la régularité de cette exploitation, arguant que les enquêteurs n’étaient pas habilités à accéder à ces images. La Cour de cassation a cassé partiellement l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, qui avait rejeté la demande d’annulation des actes d’exploitation des images.

Elle a rappelé plusieurs principes essentiels : Premièrement, la Cour affirme que le droit d’agir en nullité ne peut être refusé à un suspect au motif qu’il conteste son identification sur les images. Cette position protège le droit fondamental à ne pas s’auto-incriminer. Deuxièmement, la Cour précise que les agents des services de police et de gendarmerie ne peuvent être destinataires des images de vidéoprotection que s’ils sont individuellement désignés et dûment habilités, ou s’ils ont délivré une réquisition à une personne elle-même habilitée. La Cour souligne l’importance de vérifier l’existence de ces habilitations. Elle constate que si l’un des enquêteurs (M. [C] [P]) disposait bien d’une habilitation mentionnée dans la procédure, ce n’était pas le cas pour M. [I] [J].

La Cour reproche à la chambre de l’instruction de ne pas avoir vérifié l’existence de cette habilitation, au besoin par un supplément d’information. Cette décision a des implications significatives pour la pratique judiciaire. Elle renforce les garanties procédurales en matière d’utilisation des images de vidéoprotection, soulignant la nécessité d’une habilitation spécifique pour les enquêteurs. Elle rappelle également l’importance du contrôle effectif par les juridictions des conditions d’accès à ces images.

La Cour de cassation maintient un équilibre délicat entre les nécessités de l’enquête et la protection des libertés individuelles. Elle affirme que l’exigence d’habilitation s’applique même dans le cadre d’une enquête de flagrance, contrairement à ce qu’avait jugé la chambre de l’instruction. Cette jurisprudence s’inscrit dans un contexte plus large de débat sur l’utilisation des technologies de surveillance dans l’espace public.

Elle fait écho aux récentes discussions sur l’encadrement des « caméras augmentées », notamment dans le cadre des Jeux Olympiques de 2024. En conclusion, cet arrêt de la Cour de cassation constitue une référence importante en matière de droit de la vidéoprotection. Il rappelle aux autorités judiciaires et aux forces de l’ordre la nécessité de respecter scrupuleusement les conditions légales d’accès et d’exploitation des images de vidéosurveillance, renforçant ainsi la protection des libertés individuelles dans le cadre des enquêtes pénales.

Cour de cassation – Chambre criminelle — 13 novembre 2024 – n° 24-80.377